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Enseignons-nous une version téléologique de l’histoire?

Lundi dernier, j’ai eu la chance d’assister à un séminaire informel à l’Université de Montréal par une professeure de l’Université de Genève en visite, Mme Nadine Fink:

http://www.unige.ch/fapse/didactsciensoc/equipe/membresunige/fink.html

À l’occasion de ce séminaire, nous avons pu discuter de ses plus récentes recherches. Plus particulièrement, il a été question d’une recherche portant sur l’enseignement de l’histoire des Noirs. Cette recherche a été possible grâce à l’analyse de classeurs d’élèves du secondaire à Genève (8e année – 13, 14 ans). Les classeurs contenaient les différentes activités proposées aux élèves par les enseignants, les travaux et parfois aussi les évaluations (à noter qu’à Genève, les élève ne reçoivent plus de manuels scolaires depuis quelques années). Ces classeurs permettent donc d’avoir une idée de ce qui se passe en classe, même si bien évidemment, le portrait est incomplet puisqu’on n’observe que les traces matérielles de l’enseignement.

À partir des documents retrouvés dans les classeurs, Fink a analysé, avec sa collègue Valérie Opériol, le contenu lié à la traite des Noirs puisque ce thème semblait avoir été populaire en 2008. Cette popularité s’explique en partie par l’élection du président Obama à la Maison Blanche.

De cette analyse ressortent plusieurs éléments qui portent à réfléchir sur notre conception de l’histoire et son enseignement. Par exemple, l’un des objectifs du nouveau plan d’études genevois est de faire la comparaison entre le passé et le présent. De nombreux enseignants ont, par conséquent, débuté le chapitre sur l’esclavage en faisant référence à l’élection d’Obama ou encore à d’autres événements du XIXe ou du XXe siècle (ségrégation, Ku Klux Klan, mouvement des droits civiques). Cette ouverture vers le présent (ou vers un passé « moins » lointain) a-t-elle toutefois eu les effets escomptés?

Les deux didacticiennes observent que la démarche permet « d’amener les élèves à ressentir de l’empathie pour les Noirs réduits à l’esclavage, à exprimer l’étrangeté d’un phénomène aujourd’hui disparu […]. C’est une construction parfois téléologique (le passé se déroule selon un processus inéluctable) qui est donnée à voir et qui génère un certain nombre de simplifications » (Fink et Opériol, 2010, p. 6).

De quel genre de simplifications est-il question? En insistant sur la différence entre ce passé « horrible », « déplorable » et « dégradant », on a parfois l’impression que les élèves perçoivent le présent comme une marche continuelle vers le progrès. Le présent est en quelque sorte glorifié dans leurs esprits. Les différences de valeurs entre hier et aujourd’hui paraissent si grandes à leurs yeux que les élèves ont tendance à idéaliser le monde dans lequel ils vivent « où règne […] la liberté et l’égalité, par opposition à l’injustice et à la violence du passé » (p. 7).

Fink et Opériol ont aussi remarqué que les enseignants insistent sur les actions individuelles (privilégiant les actions prises par des Blancs, comme Abraham Lincoln) au détriment d’actions collectives. Par exemple, les révoltes des Noirs à travers les siècles semblent complètement évacuées des exercices proposés aux élèves. Les Noirs sont donc présentés comme des victimes, ayant peu de ressort sur leur sort. Cela semble être approche fataliste et encore une fois téléologique, puisque pour les élèves, les êtres humains semblent avoir peu de chance d’influencer le cours de l’histoire. Celle-ci prendrait toujours une trajectoire pré-définie.

Les résultats proposés par Fink et Opériol portent à réfléchir. J’aimerais, par conséquent, faire appel à nos lecteurs en leur demandant de nous faire part de leurs réflexions quant aux questions suivantes:

– Pensez-vous qu’une vision téléologique de l’histoire se retrouve dans nos manuels d’histoire ou dans l’enseignement de l’histoire au Québec/Canada?

– Présente-t-on parfois les minorités (Noirs, Autochtones, Femmes) comme des victimes dans nos manuels ou dans notre enseignement?

– Le cas échéant, quel impact cela a-t-il sur nos élèves et sur leur conception de l’histoire et du présent?

– Une dernière question, liée à l’image incluse dans ce texte. Doit-on présenter les esclaves comme une marchandise comme une autre dans le commerce triangulaire? Si oui, pourquoi? Si non, comment pourrait-on les présenter?

Au plaisir de vous lire!

Référence: Fink, N. et V. Opériol (2010). Analyse de classeurs d’élèves: objectifs d’apprentissage, contenus et documents, l’exemple de la traite des noirs. Actes du congrès l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève (septembre 2010).

Le commerce triangulaire

Source de l’image: http://tnatlashistoire.tableau-noir.net/xviii/commerce_triangulaire.jpg

 

L’empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite

J’ai visité tout récemment l’exposition (avec visite commentée) L’empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite au Musée des beaux-arts de Montréal. Cette exposition d’archéologie, quoique très achalandée, en vaut réellement le détour. Le contenu est divisé en trois périodes chronologiques : L’ascension de Qin (IXe siècle – 221 av. J.-C.), L’armée de terre cuite du « Premier empereur de Chine » (221 – 206 av. J.-C.) et L’époque harmonieuse des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.). Tous les détails sur ces périodes sont disponibles sur le site Web de l’exposition sous l’onglet « Exposition ». Pour ma part, j’ai trouvé le découpage chronologique très intéressant. Les artéfacts présentés mettent bien en relief les transitions entre les dynasties. Aussi, le jeu des éclairages offre des perspectives différentes sur les grandes sculptures de terres cuites grandeur nature, très impressionnant! Seul bémol, la visite commentée était un peu ardue vu le grand nombre de visiteurs. Le nombre d’écouteurs sans fil était insuffisant. Il était parfois difficile d’entendre les propos de notre guide. Malgré tout, la visite commentée en vaut elle aussi la peine. Notre guide a apporté des détails et des explications pertinentes quant à l’histoire de la Chine et au contexte de production des différents artéfacts. Si cette exposition vous intéresse, hâtez-vous, car elle se termine le 26 juin.

À noter pour les enseignants d’univers social au premier cycle du secondaire, le site Web de l’exposition contient plusieurs informations sur la Chine des Han.

 
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Publié par le 6 juin 2011 dans Musées

 

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Les difficultés de l’empathie historique ou le jour où Luke Skywalker apprit que Darth Vader était son père (partie 1 de 2)

Pour bien comprendre les difficultés rattachées à l’empathie historique tant pour la réalisation d’une tâche que pour son évaluation,  j’ai décidé de séparer l’article en deux parties. Pour la première partie, j’ai besoin de votre participation! Et oui, je vous invite à contribuer à ce blogue en répondant à la question que vous retrouvez plus bas.

Maintenant, revenons au titre de l’article

Dans le film « Return of the Jedi », Luke Skywalker questionne Obi-Wan Kenobi à propos du lien de famille qui l’unit à Darth Vader.  Kenobi lui répond ceci :

« Your father was seduced by the dark side of the Force. He ceased to be Anakin Skywalker and became Darth Vader. When that happened, the good man who was your father was destroyed. So what I told you was true, from a certain point of view« .

En somme, pour Kenobi, Anakin a été tué par Dark Vader. Ce point de vue est la perspective de Kenobi. Cette interprétation a été élaborée à travers les différents rapports qu’il a eus avec Anakin / Darth Vader.

Pour sa part, Luke Skywalker n’ayant jamais entretenu de relations avec Anakin, est plutôt confronté, et ce, de façon très déplaisante, à Darth Vader. Conséquemment, Skywalker a une perspective bien différente de celle de Kenobi, ce qui l’amène à interpréter les événements différemment et à confronter son interprétation à celle de son maître. Ainsi, pour Luke, Anakin et Dark Vader sont une unique et même personne. 

Selon vous, qui de Kenobi ou de Skywalker a raison?  Comme petit exercice et pour comprendre les explications qui seront publiées la semaine prochaine, je vous demande de choisir l’une des deux interprétations et de justifier votre choix.

–         Obi-Wan Kenobi : Anakin a été tué par Darth Vader

–         Luke Skywalker : Anakin est Darth Vader

Merci de votre participation!

 

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La transposition des objets d’enseignement en univers social

Dernièrement, je vous avais proposé une réflexion sur les facteurs de transposition qui entrent en jeu lorsqu’un enseignant veut arrimer l’histoire à l’éducation à la citoyenneté. Tout en vous invitant de poursuivre cette réflexion de façon plus personnelle, je vous reviens avec un des paramètres qui n’est jamais absent dans ce processus de choix des objets d’enseignement. Lorsqu’un enseignant planifie ses séquences d’enseignement, il prend en considération tout un ensemble d’éléments supposés lui permettre de traduire le savoir à enseigner en objets d’enseignement facilement accessibles et assimilables par ses élèves. Il est supposé prendre en considération ces derniers, partir de leurs intérêts, de leurs besoins.

Les élèves sont donc également des acteurs dans le phénomène de la transposition des objets d’enseignement. Ainsi, une réflexion ou une prise en considération de ce qu’ils font des objets d’apprentissage qui leur sont proposés n’est pas vaine afin de procéder à des ajustements ou de rectifier le tir, au besoin. Ci-après, je vous propose un extrait d’une discussion menée avec certains élèves du primaire sur l’apprentissage de l’univers social. L’image est virtuel (tiré de google image) et la voix a été modifiée pour des fins de confidentialité. Un double-clic sur le lien en bas de l’image est nécessaire pour écouter.

Univers social au primaire vu par les élèves

Ces élèves s’expriment sur l’enseignement de l’univers social au primaire et livrent leurs perceptions. Leurs propos démontrent un certain désintérêt face aux objets d’enseignement qui leur sont proposés en univers social et dénoncent certaines façons de faire. Il revient à l’enseignant de reconsidérer régulièrement son ingénierie didactique afin de garder ses élèves accrochés à la démarche et maintenir le cap sur les objectifs d’apprentissage. Plusieurs déductions peuvent être faites de leurs propos et j’invite chacun et chacune de tirer une conclusion personnelle.

 

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Le laboratoire d’histoire orale de l’Université Concordia

En tant que première contribution à ce blogue j’aimerais vous faire part de ma découverte de l’année : le laboratoire d’histoire orale de l’Université Concordia. http://storytelling.concordia.ca/oralhistory/index.html (en anglais).

Cet article s’inscrit dans une série d’articles ayant comme thème l’histoire orale.

Le laboratoire d’histoire orale de l’Université Concordia

Il s’agit d’un centre qui fait la promotion de l’histoire orale à travers une multitude de services et de projets.

Le laboratoire offre plusieurs services dont le prêt d’ équipement (appareils photo numériques, enregistreuses mp3) et le soutien technique aux étudiants  souhaitant mener des entrevues.

Ceux qui n’étudient pas à Concordia peuvent avoir accès au  site Web qui familiarise avec l’histoire orale à l’ère des technologies,  rappelle les notions de base pour mener une entrevue, mais surtout,   propose une multitude de liens concernant l’histoire orale dans la région de Montréal.  Le site Web  donne aussi accès à un logiciel gratuit, créé par l’équipe du laboratoire, qui permet d’entreposer des entrevues audio (mp3) et vidéo (flv.), de les transcrire, de les annoter, de créer des séquences, et qui offre une multitude d’autres fonctions intéressantes.  Le logiciel est disponible en quatre langues, soit l’anglais, le français, l’espagnol et le néerlandais.  Si cela vous intéresse vous pouvez aller directement à :  http://storytelling.concordia.ca/storiesmatter/ afin de télécharger gratuitement (et rapidement) le logiciel qui ressemble à ceci :

Je crois que le site Web, ainsi que le centre d’histoire orale, peuvent  être utiles aux enseignants d’histoire à plusieurs égards.

D’abord, un enseignant qui voudrait monter un projet d’histoire ou d’éducation à la citoyenneté pourrait demander à ses élèves de mener des entrevues auprès de groupes autochtones, de réfugiés, d’immigrants, de vétérans, de personnes âgées ou simplement auprès de membres de leur famille ou de leur entourage.  Les étudiants pourraient apprendre à mener des entrevues en assistant aux ateliers, qui se donnent régulièrement à Concordia, ou en se référant au site Web qui contient une multitude d’informations techniques et pratiques telles que l’éthique de l’entrevue, la formulation de questions et l’utilisation du matériel audio-visuel.

Ensuite, un enseignant pourrait en tout temps utiliser la banque d’entrevues que l’on trouve sur le site Web de Concordia ou sur les nombreux  autres sites Web qui y sont proposés.  Par exemple, Concordia a un groupe qui s’appelle Histoires de vie Montréal qui mène des entrevues (dont plusieurs sont accessible au public) auprès de Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et autres violations aux droits de la personne (http://histoiresdeviemontreal.ca/fr/home-accueil ). Un autre projet, Memoryscapes, présente les histoires de vie de Montréalais issus de la classe ouvrière (http://storytelling.concordia.ca/memoryscapes/WebsiteSections/01Projects/projects01.html).

 

Une activité d’empathie historique et son évaluation

Finalement, le moment tant attendu! La présentation d’une activité d’empathie historique. Dans cette activité, les élèves ont la tâche de se placer dans la peau de Jean Talon, le premier Intendant de Nouvelle France.

Voici le lien pour télécharger l’activité et deux grilles différentes que vous pouvez utiliser pour évaluer vos élèves.

L’intention pédagogique

L’activité a deux intentions pédagogiques. La première est le développement de la pensée historique, alors que la deuxième veut travailler les caractéristiques de la perspective historique. En d’autres mots, la première vise une compétence et la seconde des connaissances. Pour ma part, les deux aspects sont tout aussi importants, mais dépendamment de votre vision, vous n’avez qu’à ajuster la pondération.

Dans le cas de cette activité d’empathie, les connaissances sont les éléments qui caractérisent le peuplement de la Nouvelle France pour les périodes allant de 1608 à 1663 et de 1663 à 1760.

L’évaluation de l’activité

Pour évaluer la pensée historique, j’ai élaboré deux échelles. La première est utilisée pour évaluer les éléments d’empathie historique qui se trouvent dans la production de l’élève. La seconde a été construite pour évaluer la dernière partie du travail, celle où l’élève caractérise le fossé qui existe entre le présent et le passé.

Pour évaluer les caractéristiques de la perspective historique, c’est-à-dire les connaissances, j’ai utilisé deux critères.

L’évaluation de l’empathie historique

L’évaluation de l’empathie historique nécessite que l’évaluateur possède une très bonne connaissance de la perspective historique. Sans ces connaissances, il sera incapable de se placer dans la peau du personnage. De plus, l’évaluateur doit avoir développé sa pensée historique, c’est-à-dire d’avoir une bonne compréhension de la nature de la discipline historique. Pour les enseignants du Québec, vous pouvez classer cette échelle dans la première compétence disciplinaire, et ce, sans aucune incertitude, car les critères sont très explicites. Lorsque j’aurai des informations pertinentes sur les changements pédagogiques qui se dérouleront à l’automne 2011, et j’en aurai très bientôt, je ferai une mise à jour. Toutefois, parce qu’il s’agit de développer la pensée historique, il est aussi possible d’insérer cette échelle dans la deuxième compétence disciplinaire.

Échelon 5

L’apprenant adopte entièrement un point de vue historique dans le fond et dans la forme de la production : en se détachant complètement du présent, il indique des croyances et des attitudes en adoptant le point de vue social et culturel de la perspective.

Échelon 4

L’apprenant adopte en grande partie le point de vue historique dans le fond et dans la forme de la production : il indique des croyances et des attitudes, mais il a du mal à se détacher du présent lorsqu’il adopte le point de vue social et culturel de la société.

Échelon 3

L’apprenant adopte généralement le point de vue historique dans la forme et dans le fond de la production : il indique des croyances et des attitudes, mais il reste ancré dans le présent lorsqu’il adopte le point de vue social et culturel de la société.

 Échelon 2

L’apprenant adopte plus ou moins le point de vue historique dans la forme et dans le fond de la production : il indique des croyances et des attitudes qui demeurent ancrées dans le présent.

 Échelon 1

L’apprenant adopte peu ou pas un point de vue historique : il n’indique pas de croyances et d’attitudes représentant la société et son interprétation demeure ancrée dans le présent. Le fossé entre le présent et le passé n’est pas pris en compte par l’élève

Sans trop décortiquer les critères, voici quelques lignes directrices.

 « Le point de vue historique dans la forme et dans le fond » c’est l’émulation empathique. La forme c’est la manière dont le personnage s’exprime, mais aussi la présentation du document. Par exemple, un élève qui écrit dans son entête « Jean.baptiste.colbert@france.fr » est dans l’erreur. Pour sa part, le fond regroupe les caractéristiques de la perspective historique. Par exemple, un élève qui écrit «  Mort au Roi de France », alors qu’il se place dans la peau de Jean Talon, ne tient pas compte de la perspective temporelle, mais surtout du personnage.

« Détacher du présent » et « Ancré dans le présent » sont des termes pour dire que l’élève a fait ou n’a pas fait abstraction de se propre culture dans l’émulation empathique. Par exemple, un élève qui écrit « lol » ne fait pas abstraction de sa propre culture.

L’évaluation de la prise en compte du fossé

Est-ce que l’élève a compris qu’il existe un fossé entre le présent et le passé, et est-il capable de le caractériser? Voici l’intérêt de cette échelle et à l’inverse de l’empathie historique, cette opération, hors contexte, permet de valider et d’évaluer le raisonnement intellectuel de l’élève. Lors des explications, n’ayez pas peur de spécifier vos attentes.

La grille parait très simple et permissive, mais vous verrez en corrigeant que ce n’est vraiment pas évident pour un élève de verbaliser les opérations ayant trait à sa pensée historique.

Échelon 5

L’élève explique les différences qui existent entre le présent et le passé : Il caractérise le fossé en tenant compte de l’évolution temporelle des éléments politiques, économiques, culturels, etc.

Échelon 4

L’élève explique les différences qui existent entre le présent et le passé, mais sa réponse est plus ou moins précise et complète : il caractérise le fossé en tenant compte de l’évolution temporelle des éléments politiques, économiques, culturels, etc, mais sa ééponse plus ou moins précise et complète.

Échelon 3

L’élève comprend qu’il existe des différences entre le présent et le passé : il souligne le fossé sans l’expliquer.

Échelon 2

L’élève comprend qu’il existe des différences entre le présent et le passé, mais sa réponse est plus ou moins précise et complète : il souligne le fossé sans l’expliquer, mais sa réponse plus ou moins précise et complète.

Échelon 1

L’élève ne comprend pas qu’il existe des différences entre le présent et le passé : il ne tient pas compte du fossé.

L’évaluation des éléments pertinents.

L’évaluation des éléments pertinents se divise en deux critères. L’enseignant doit évaluer la pertinence des faits et il la qualité des liens.

Pour les éléments pertinents ainsi que les liens, l’enseignant dispose de plusieurs types de grilles d’évaluations et il peut aussi accorder plus d’importance à un critère ou un autre. Pour ma, part, j’accorde toujours plus d’importance à la qualité des liens, car établir des causes et des conséquences est beaucoup plus difficile que de nommer un élément pertinent particulier. Aussi, vous pouvez donner la liste des caractéristiques que vous voulez que l’élève insère dans l’émulation empathique. Ainsi, l’élève saura où se diriger et il pourra passer plus de temps à travailler les liens et l’empathie. De plus, s’il y a un élément qu’il ne connaît pas, il lui sera nécessaire de se documenter pour l’insérer dans son travail.

Pour la pondération, allez-y selon votre intention pédagogique. Si vous préférez que l’élève développe ses connaissances plutôt que la  partie empathique, accordez plus de points à cette section. N’oubliez jamais que pour travailler une compétence, il est obligatoire d’avoir de bonnes connaissances. D’ailleurs, j’y reviendrai sur ce point dans un article futur.

Comment évaluer

Il y a une précaution très importante à prendre lorsqu’un enseignant évalue l’activité d’empathie historique : il doit distinguer l’émulation empathique des faits pertinents. Dans le cas de l’émulation empathique, il s’agit de la première compétence disciplinaire, alors que les faits pertinents appartiennent à la deuxième compétence disciplinaire (du moins dans le contexte du programme de formation québécois). Toutefois, il faut comprendre que les deux éléments sont synergiques.

Voici des exemples de réponses qui peuvent être utilisées dans l’activité de correspondance entre Jean Talon et Jean Baptiste Colbert. Notez que les premiers exemples sont tranchés au couteau et que vous n’aurez probablement pas ce type de production, mais je l’ai fait pour que vous puissiez voir de quoi il s’agit.

Lettre avec seulement de l’Empathie historique

« MonseigneurJean-Baptiste Colbert,

Notre majesté, notre bon Roi, a raison d’être préoccupé par la situation. Ici, et je m’en inquiète énormément, il n’y a pas beaucoup de colons, parce que les précédents administrateurs ont préféré s’enrichir plutôt que de servir les intérêts de notre Majesté.  De plus, en raison de la température hivernale très désagréable et des dangers qui nous préoccupent quotidiennement, peu d’hommes veulent rester ici, alors imaginer ces pauvres femmes qui n’ont pas la même résilience que nous. »

Ici, l’empathie est le témoignage de Jean Talon. On ressent qu’il est préoccupé par la situation en Nouvelle France. Il décrit la vie, du moins, les éléments qui touchent aux émotions et aux individus. Toutefois, il manque les éléments pertinents qui sont reliés à la recherche historique et le texte ne répond pas clairement à la question qui est présente dans l’activité. Conséquemment, l’élève aurait atteint l’échelon 5 de l’empathie historique, mais n’aurait eu aucun point pour les éléments pertinents. Notez qu’il aurait été possible d’écrire le texte en vieux français, mais le faire complexifie significativement l’activité.

Lettre avec seulement des éléments pertinents

« Nouvelle France, Québec

9 septembre 1665,

Il n’y a pas beaucoup de colons qui ont traversé l’Atlantique pour venir s’installer en Nouvelle France. Les Compagnies, comme celle des Cents-Associés, qui ont administré la colonie pendant cinquante ans n’ont pas rempli leurs devoirs de colonisation. Elles ont utilisé de la main-d’œuvre autochtone plutôt que de faire venir des colons de France. De plus, il n’y a presque pas de femmes, alors l’accroissement naturel est très faible. Finalement, il y a les Iroquois qui attaquent des villages. »

Ici, le texte est rempli d’éléments pertinents, mais il aurait pu être écrit par l’un de nos contemporains. On dirait beaucoup plus une synthèse qu’un texte d’époque. De plus, Jean Talon ne salue par Colbert, son supérieur, l’homme le plus important après le Roi de France. Finalement, je doute que Jean  Talon aurait utilisé le concept d’« accroissement naturel ».

Empathie historique + Éléments pertinents :

« Nouvelle France, Québec,

Fait à Québec, ce neuvième septembre  1665

Monseigneur Jean-Baptiste Colbert,

Monseigneur, notre bon Roi Louis XIV  a bien raison d’être préoccupé par la situation de sa colonie. Il est bien évident que son immense territoire ne pourrait pas résister très longtemps à une invasion anglaise.

Ici, et je m’en inquiète énormément, il n’y a pas beaucoup de colons qui ont traversé l’Atlantique pour venir s’installer en Nouvelle France. Les Compagnies, comme celle des Cents-Associés, qui ont administré la dite colonie pendant près de cinquante années n’ont par rempli leurs devoirs de colonisation. Plutôt que de servir les intérêts de Sa Majesté, ils ont préféré s’enrichir en utilisant les autochtones déjà présents sur place.

En raison d’une température hivernale moins clémente qu’en France, d’un territoire vierge peu accueillant et de la menace constante des Iroquois, peu d’hommes prennent la décision de s’établir ici. Monseigneur Colbert, si les hommes peinent à s’installer ici, alors, je vous prie d’imaginer à quel point il est difficile pour les femmes, moins résilientes que  nous,  de venir en Nouvelle France. Pour cette raison, les hommes sont incapables de prendre femme et les naissances sont rares. »

Ici, les éléments pertinents justifient le témoignage en précisant davantage la situation de la Nouvelle-France. En identifiant et en incorporant les caractéristiques de la perspective historique, l’apprenant se les approprie, car il les place dans un contexte qui est celui de l’émotion. De plus, l’empathie sert à justifier l’élément pertinent et vice-versa.

Pour mieux comprendre, voici trois exemples :

1.1 « […] Vous avez raison d’être inquiet de la situation au Québec. […] »

Erreur reliée à l’élément pertinent. Le terme « Nouvelle-France » était utilisé dans les correspondances de Jean Talon. En écrivant « Québec », l’apprenant fait la démonstration qu’il n’a pas acquis les connaissances territoriales et chronologiques nécessaires

1.2 « […] Vous n’avez pas raison d’être inquiet de la situation en Nouvelle-France […] »

Erreur reliée à l’élément empathique. Le contexte dicte à l’apprenant que la situation de la Nouvelle-France est précaire, et ce, en raison de l’intervention du roi en 1663, parce que les Compagnies n’ont pas rempli leur mandat relié au peuplement. Ici, le problème c’est l’émulation émotionnelle reliée à l’inquiétude.

1.3 « […] Vous avez raison d’être inquiet de la situation, car nous avons beaucoup de colons en Nouvelle-France […]»

Erreur reliée à l’élément pertinent. Comme au point 1.2, la démographie est en cause. Toutefois, le fait n’est pas pertinent, car il n’y avait pas beaucoup de colons.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater, il n’est pas toujours facile pour un élève de faire preuve d’une véritable empathie historique et cette difficulté se transpose dans l’évaluation des activités visant justement le développement de cette composante de la pensée historique. Lors du prochain article, il sera justement question des difficultés à faire et à évaluer l’empathie historique.

Si vous avez des commentaires sur l’activité et/ou sur les grilles de correction, je vous invite à m’écrire sur le blogue.

 

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Aborder le féminisme en classe

La lecture sur ce site de l’article de Catherine Duquette du (21 avril: « ils n’ont qu’à mettre de l’eau dans leur vin ») sur l’enseignement des questions controversées inspire le blog d’aujourd’hui. En effet, dans le cadre de mes lectures pour ma thèse (qui porte sur les luttes des femmes dans l’enseignement de l’histoire), j’ai eu l’opportunité de lire un article de Beth Kreydatus (2008), chercheuse et enseignante, qui suggère une méthode intéressante pour aborder un sujet controversé. Dans son article Confronting the « Bra-Burners: » Teaching Radical Feminism with a Case Study, Kreydatus propose un scénario pédagogique original pour aborder en classe le féminisme.

Constatant que les élèves avaient de nombreux préjugés sur le féminisme, elle a décidé de prendre le taureau les cornes et d’aller dans le vif du sujet en classe: « Second-wave feminism, and especially radical feminism, can be a challenging topic to teach […], largely because of the hostility and misconceptions that motivate students to use terms like « bra-burner » »(p. 489). De quel(s) événement(s) (ou serait-ce un mythe?) est-il question exactement quand on parle de ces femmes ayant brûlé leur soutien-gorge? Les élèves n’en savent trop rien… L’enseignante leur présente alors un dossier sur le concours de Miss America ayant eu lieu en 1968.

Deux groupes manifestèrent à l’époque leur opposition à ce concours: d’une part, le mouvement de libération des femmes et d’autre part, le mouvement civique. Le premier groupe dénonçait l' »image-objet » des femmes que symbolisait ce type de concours, l’autre groupe dénonçait l’absence de candidates afro-américaines au concours qui ont tenu, en parallèle à Miss America, un concours « Miss Black America » (p.490). Aucune brassière n’a été brûlée cette journée-là, mais une organisatrice féministe parlant à un journaliste a qualifié l’événement de « symbolic bra-burning » (p.490) et c’est de là que nous vient cette expression.

À travers l’étude de documents historiques, les élèves sont amenés à se prononcer sur l’impact de telles manifestations et sur la couverture médiatique des événements. L’enseignante aborde aussi les tensions autant que les recoupements entre le féminisme et le mouvement pour les droits civiques. Elle suggère des discussions animées avec toutes la classe, mais propose aussi de travailler en plus petits groupes et offre des pistes de questionnements pour guider les élèves dans le développement de leur pensée critique.

Kreydatus complète son enseignement avec un vidéo de PBS sur l’histoire du « pageant ». Le tout amène une discussion citoyenne sur ce type de concours et leur crédibilité, et plus largement sur l’image corporelle des femme et « l’idéal de la féminité » à travers l’histoire et de nos jours.

Je vous invite à lire cet article passionnant qui m’inspire et me donne des idées tant pour enseigner au secondaire que pour enseigner aux futurs enseignants! La séquence didactique proposée est originale, motivante et il est certainement possible de s’en inspirer en classe. Je pense par ailleurs l’utiliser comme base pour aborder des questions similaires en histoire du Québec dans une SAÉ, et en incorporant les trois compétences disciplinaires.

Pour lire l’article de Beth Kreydatus: http://www.historycooperative.org/journals/ht/41.4/kreydatus.html

Manifestation féministe à l'occasion du concours Miss America, 1968

Manifestation féministe à l'occasion du concours Miss America, 1968

Référence

Kreydatus, B. (2008).  Confronting the “Bra-Burners”: Teaching Radical Feminism with a Case Study.  History Teacher, 41(4), 489-504.

 

Découvrir le boulevard Saint-Laurent

La visite guidée

J’ai assisté hier à la visite guidée du patrimoine architectural du boulevard Saint-Laurent à Montréal dans sa portion « milendoise » entre l’avenue Mont-Royal et la rue Bernard. La visite était organisée conjointement par deux organismes à but non lucratif : Les Amis du boulevard Saint-Laurent et Mémoire du Mile End. La visite s’est étendue sur une distance d’environ 1,5 km et a duré plus de 2h30 pour un coût de 12$. Susan Bronson, architecte à l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, a agi à titre de guide.

Lieu historique national du Canada, le boulevard Saint-Laurent présente des styles architecturaux variés et possède une histoire riche. Vous pouvez consulter le site Web de Parcs Canada pour plus de détails sur le sujet. Mme Bronson, à l’aide de documents d’archives (photos et articles de journaux), a présenté la Main du Mile End des points de vue historique et actuel. Ainsi, les visiteurs avaient la chance d’avoir un aperçu de certains bâtiments dans leur état d’origine par le biais des photographies et illustrations d’époque. De plus, Mme Bronson, a nourrit sa présentation de plusieurs détails sur l’histoire du boulevard et du quartier du Mile End. Elle a abordé l’influence des maires, des propriétaires terriens et des diverses communautés qui ont façonné le territoire. Cette visite s’est avérée une excellente façon de découvrir le patrimoine et l’histoire de la Main. Mémoire du Mile End offrira d’ailleurs d’autres visites prochainement pour découvrir le quartier.

Aussi, Les Amis du boulevard Saint-Laurent en collaboration avec Parcs Canada ont produit une série d’affiches sur le patrimoine bâti de l’artère. Elles présentent de manière brève et imagée l’évolution et l’histoire de plusieurs édifices. En plus d’être affichée sur les bâtiments, elles sont également disponibles en ligne.

Le podcast

En 2008, le journal La Presse a produit un podcast sur l’histoire du boulevard Saint-Laurent pour sa portion du Vieux-Montréal à la Petite Italie. Ici, la visite dure environ 1h30 sur une distance de plus de 4 km. Cet audioguide offre la chance d’entendre plusieurs témoignages de personnes ayant vécu ou œuvré sur la Main. Ici, le contenu se centre davantage sur l’histoire sociale du boulevard mythique.

Lien complémentaire

Photos du Mile End sur le site Montréal Images : http://www.imtl.org/quartier/Mile-End.php

 
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Publié par le 2 Mai 2011 dans Patrimoine

 

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Matérialisation balisée de la pensée abstraite

Titre intéressant n’est-ce pas? Non? Pas de souci ! Il s’agit du discours d’un technocrate, mais croyez moi, je n’en suis pas un. Toutefois, c’est par cette phrase, qui veut tout et rien dire, que l’empathie historique prend forme. En décortiquant le titre, je répondrai conjointement à ceux deux questions : qu’est-ce que l’empathie historique et s’agit-il d’un jeu de rôle?

Les balises

Dans le jeu de rôle, les balises sont les règles du système utilisé et les caractéristiques de l’univers créées par le maître de jeu. Noter que « Donjons et Dragons », « Warhammer », « Rift » et « Shadowrun » sont des systèmes de règles.

Pour l’empathie historique, les balises sont les consignes de l’activité et les caractéristiques de la perspective historique qui, contrairement à l’univers du jeu de rôle, ne dépendent pas de l’imagination du maître de jeu, mais plutôt de la méthode historique qui permet de saisir le contexte historique propre à un moment de l’histoire.

La matérialisation

Dans le jeu de rôle, la matérialisation se fait lors de l’élaboration de la feuille de personnage et de la verbalisation/description des actions, alors qu’en empathie historique, c’est la production attendue de l’élève qui tient ce rôle. Toutefois, il n’y a pas de différences entre les deux, car il s’agit de réagir a une situation problème/mise en situation conformément à un contexte particulier, et ce, qu’elle soit fantastique, comme un dragon qui terrorise un village, ou en histoire, comme Louis XIV qui envoie l’Intendant Jean Talon administrer la Nouvelle-France.

La pensée abstraite

Par la suite, c’est avec sa pensée abstraite que le joueur ou l’élève peut mettre en relation les caractéristiques qui animent la situation problème et ultimement, les complexifier en les faisant évoluer.

L’empathie historique et la perspective historique

Il ne faut pas s’en cacher, l’empathie historique est un jeu de rôle pédagogique et historique. Toutefois, au lieu de combattre des dragons, résoudre des conspirations ou même chercher la couronne cosmique en jouant un personnage fantastique possédant des pouvoirs extraordinaires, l’élève joue le rôle d’un personnage bien ordinaire qui a probablement déjà existé dans une période historique bien précise.

La seule différence entre un «guerrier nain » et « l’Intendant Jean Talon » c’est la perspective historique. En comparaison, dans le jeu de rôle, l’équivalent de la perspective historique c’est le contexte dans lequel la partie se déroule. Plus précisément, les caractéristiques politiques, économiques, culturelles, sociales, géographiques, intellectuels, etc. sont les composantes de la perspective historique. Si vous préférez, l’univers de « Starwars », du « Seigneur des anneaux » et de la Nouvelle-France ont leurs propres caractéristiques.

Conséquemment, l’empathie historique, c’est l’émulation d’une perspective historique à travers les yeux d’un personnage historique, c’est-à-dire l’imitation des éléments qui caractérisent le contexte culturel d’une époque particulière.

L’objectif et l’intérêt de l’empathie

L’objectif premier de l’empathie historique est de développer la pensée historique de l’élève en plaçant sa culture première et la culture historique (seconde), en relation. Or, la culture première de l’apprenant est un obstacle à cette émulation, car pour adopter entièrement un point de vue historique, l’apprenant doit faire abstraction de sa culture. En d’autres termes, il ne doit pas seulement chercher à traverser le fossé qui sépare le présent du passé, mais il doit faire comme s’il n’avait jamais existé.

Une fois l’émulation empathique terminée, et ce, si nous voulons que le travail soit significatif, l’élève doit verbaliser comment il a ressenti et il a expérimenté les différences entre sa perspective culturelle et celle historique. Il s’agit d’une tâche difficile, mais elle permet à l’apprenant de caractériser le fossé qui existe entre le présent et le passé, et ainsi développer sa pensée historique.

La première compétence : pas toujours une question… de questions

Dans le programme de formation de l’école québécoise, l’empathie historique s’enchâsse très facilement dans la première compétence et peut servir d’alternative à la formulation des constats et de questions.

« Les élèves […] empruntent le regard d’acteurs et de témoins pour chercher à comprendre le point de vue. Cela implique qu’ils considèrent la réalité sociale de l’intérieur et se demandent comment on pensait alors. Ils s’interrogent sur les motifs, les intentions, les espoirs, les craintes et les intérêts d’acteurs et de témoins de l’époque en cause. »

Sinon, en voici une définition plus explicite qui définit très bien l’empathie historique.

« Par adopter un point de vue historique, on entend comprendre le contexte social, culturel, intellectuel et émotionnel qui a façonné la vie et les actions des gens du passé. […] Par conséquent, comprendre les perspectives diverses est également essentiel à l’adoption d’un point de vue historique.

L’empathie historique, c’est aussi une construction

Pour que l’apprenant puisse émuler correctement les émotions d’un acteur ou d’un témoin, il lui sera nécessaire de cueillir, de traiter et d’interpréter les caractéristiques qui constituent cette perspective historique. Plus important encore, l’élève construit sa propre vision de l’histoire et ne répète pas uniquement ce que les autres ont dit avant lui.

Ici, il est question du travail de recherche à l’aide de la méthode historique. En travaillant les informations, et ce, dans le contexte significatif de l’empathie, l’élève s’approprie davantage les connaissances déclaratives historiques qui caractérisent la perspective historique. C’est donc un substitut aux fiches d’exercices et à la mémorisation si présente dans les cours d’histoire. Ainsi, étant en résolution de problème, celui d’émuler une perspective à l’aide de caractéristiques historiques, l’apprenant est susceptible de réaliser des apprentissages permanents qu’il pourra réinvestir et transférer dans différentes situations.

Conséquemment, l’empathie historique s’enchâsse aussi dans la deuxième compétence disciplinaire

C’est bien beau l’empathie, mais il ne faut jamais oublier…

Il existe dans les manuels et dans les cahiers d’exercices d’histoire ce genre d’activités depuis très longtemps. Toutefois, je n’ai jamais vu aucune activité qui demandait à l’élève de verbaliser son voyage dans le passé. Tout comme le retour métacognitif, cette verbalisation est une composante essentielle d’un apprentissage significatif. Je vous dirais qu’en verbalisant les différences qui caractérisent sa perspective et la perspective historique, l’élève est davantage capable de comprendre la distance qui existe entre le présent et le passé. Ainsi, en explicitant cette distance, le fossé n’est plus un obstacle, car il est intégré aux schémas cognitifs de l’élève

Finalement, j’aimerais terminer en disant que je ne vous ai pas dit toute la vérité. Bien que mon premier objectif soit le développement de la pensée historique, j’ai un objectif secret. Un peu comme la « loi zéro de la robotique» d’Asimov, j’ai un projet qui dépasse les limites de mon cours d’histoire et c’est le développement de la pensée abstraite. Je vous dirais que l’effort intellectuel nécessaire à l’émulation empathique est très important, voire même angoissant, parce que l’élève part de presque rien et élabore sa propre construction historique. Toutefois, pour que cette construction prenne forme, il est nécessaire de la visualiser à l’aide de la pensée abstraite. Conséquemment, les premières représentations seront probablement très simples, mais plus l’élève développera ses connaissances et sa pensée abstraite, plus les constructions seront complexes. D’ailleurs, vous pouvez observer la même progression chez ceux qui grandissent en jouant à des jeux de rôle : au début les scénarios sont simples et en vieillissant, les intrigues se complexifient.

Lors de la prochaine contribution, il sera question de l’évaluation de l’empathie. De plus, vous aurez une activité d’empathie historique.

1 Gouvernement du Québec, Programme de formation de l’école québécoise : enseignement secondaire, deuxième cycle. P.11 chapitre 7

2 http://www.historybenchmarks.ca/fr/concept/points-de-vue-historiques

 
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Publié par le 25 avril 2011 dans Non classé

 

« Ils n’ont qu’à mettre de l’eau dans leur vin »…

« Doit-on enseigner des sujets controversés en classe d’histoire?» m’a un jour demandé une étudiante en classe. En tant qu’enseignants, nous hésitons parfois à amener des controverses, ces sujets sur lesquels différents groupes sociaux ne s’entendent pas, dans nos classes. Nous savons par expérience que des discussions animées souvent basées sur des émotions plutôt que sur une véritable pensée critique peuvent éclater causant parfois une perte de control autant des élèves que du sujet traité. Alors, pourquoi devrions-nous présenter à nos élèves des controverses? Leur étude est-elle profitable à l’apprentissage de l’histoire?

Enseigner l’histoire et l’éducation à la citoyenneté

L’une des principales raisons pour promouvoir l’emploi de controverses en classe d’histoire est son lien avec l’éducation à la citoyenneté. Si les enseignants évitent soigneusement tout sujet controversé, peut-on vraiment espérer former des citoyens : « […] capables d’une participation sociale ouverte et éclairée, conformément aux principes et aux valeurs démocratiques » ? (MELS, 2007, chap.7, p.1) L’éducation à la citoyenneté ne peut pas, selon moi, être séparée de l’étude des débats retrouvés dans la société. Pour développer la conscience citoyenne, il semble nécessaire que la classe d’histoire se transforme en un endroit où les élèves peuvent débattre de ces enjeux. C’est donc à partir du développement de leur pensée historique que les élèves seront en mesure de prendre du recul face aux controverses afin de parvenir à une compréhension critique des enjeux étudiés. L’histoire peut également les amener à prendre conscience de la complexité de la société dans laquelle ils vivent. Ils réalisent par cette étude que les débats de société sont des questions complexes et que de trouver une solution qui pourra satisfaire tout le monde est une tache presque impossible.

Mais comment faire?

Il n’est pas difficile de constater le rôle intéressant que peuvent jouer les controverses dans l’enseignement de l’histoire et l’éducation à la citoyenneté. Non, le problème relié à cette approche relève plutôt de son application en classe. En effet, il n’existe pas, à notre connaissance, de stratégies pédagogiques dont l’objet est l’apprentissage par les controverses. Les quelques articles qui traitent de ce sujet proviennent presque tous des États-Unis et soulignent surtout les avantages et les difficultés qui y sont liés. Puisqu’il n’existe vraisemblablement pas de méthode précise pour enseigner les controverses, de quelle manière peut-on les introduire en classe afin de promouvoir de réels apprentissages ?

C’est pour répondre à cette question que j’ai entrepris une recherche avec l’aide de l’AQEUS (l’Association Québécoise des Enseignants et Enseignantes en Univers Social) auprès des enseignants du Québec pour tenter d’établir une structure permettant l’enseignement et l’évaluation des controverses en classe d’histoire et d’éducation à la citoyenneté. Ce projet n’est qu’à son tout début et c’est pourquoi j’invite les personnes qui sont intéressées à y participer à me contacter par l’entremise de ce blogue.